La Chouette de Tengmalm dans la montagne jurassienne

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Photo Luca Melcarne

La Chouette de Tengmalm est une espèce de rapace nocturne fréquentant les grands massifs forestiers essentiellement montagnards. Son aire de répartition chevauche globalement celle de la Chevêchette d’Europe qui a fait l’objet d’un précédent article (voir la Chevêchette d’Europe dans la montagne jurassienne). A l’instar de cette dernière et de diverses espèces montagnardes difficilement observables, la Chouette de Tengmalm est très recherchée par les passionnés. Cette chouette présente néanmoins une difficulté supérieure : elle possède une activité majoritairement nocturne, ce qui la rend généralement moins propice à la découverte que sa cousine. Avec un peu de chance et beaucoup de persévérance, elle peut nous offrir l’opportunité de l’observer. Sa découverte est toujours un moment magique!

J’ai rencontré pour la première fois la Chouette de Tengmalm avec des amis ornithologues lors de prospections dans un grand massif forestier jurassien au printemps 2012. Après seulement quelques minutes de recherche, alors que l’on détaillait les arbres semblant intéressants et que je leur expliquais pourquoi tel ou tel arbre était favorable à l’installation du nid, nous arrivons devant notre second arbre à cavité : un hêtre particulièrement favorable, avec plusieurs loges anciennement creusées par un Pic noir (Dryocopus martius).

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J’effectue aux jumelles une vérification rapide de chaque cavité quand tout à coup je m’exclame “sereinement” face à mes amis : « Tengmalm, Tengmalm !! ». Elle était là, devant nous ! La tête légèrement sortie de l’orifice de la cavité, elle nous observait calmement. Cette espèce est couramment repérée dans ces conditions. Curieuse et peu méfiante, elle se présente à l’entrée de la loge quand elle a besoin de vérifier qu’un prédateur ne rôde pas. Selon certains auteurs³, elle pourrait aussi se placer devant l’entrée de la cavité pour obstruer celle-ci à la vue du prédateur, bien souvent une Martre des pins (Martes martes).

Nous avons pris quelques minutes pour l’observer et la photographier, puis nous sommes partis calmement pour éviter de la déranger davantage, tandis qu’elle ne nous quittait pas du regard.

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Photo Emilien Vadam

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Photo Emilien Vadam

Comment identifier l’espèce ?

Contrairement à certaines familles ou genres, les rapaces nocturnes sont représentés par un nombre limité d’espèces en France et ils sont relativement aisés à différencier. La Chouette de Tengmalm peut difficilement être confondue mais occupant des milieux similaires à la Chevêchette d’Europe et présentant par certains aspects quelques caractéristiques de cette dernière, il est important de prêter attention à certains détails lors de l’observation de ces chouettes.

La Chouette de Tengmalm est un petit rapace nocturne (mais plus grande que la chevêchette) avec une grosse tête, une calotte plate et des disques faciaux blancs créant une expression « étonnée ». Elle a les parties supérieures brunes avec des tâches blanchâtres et une tacheture pâle diffuse sur les épaules. Les parties inférieures sont blanchâtres à tachetures brunes diffuses. Ses ailes sont arrondies et son vol est direct accompagné de séries de vifs coups d’ailes et de brefs planés droits. contrairement à la chevêchette qui a des courtes ailes et un vol onduleux⁴ .

Où observer la Chouette de Tengmalm dans le Jura ?

La Chouette de Tengmalm est présente sur l’ensemble du massif jurassien, principalement au-dessus de 900-1000 m. Elle se reproduit également à plus basse altitude, par exemple sur les contreforts du premier plateau du Jura où des oiseaux sont connus à 450-600 m d’altitude².

Les forêts occupées par cette petite chouette sont similaires à l’habitat de reproduction de la Chevêchette d’Europe : hêtraies-sapinières et hêtraies pessières matures d’altitude². Elle se reproduit souvent dans des loges de Pic noir généralement creusées dans des hêtres, et à moindre mesure dans des loges de Pic vert (Picus veridis) ou dans des cavités naturelles.

Statut de l’espèce en Franche-Comté et dans le Jura

Le nombre de Chouettes de Tengmalm est directement lié à l’état des populations de rongeurs forestiers qui sont dépendants des fructifications des hêtres. D’une année à l’autre, les chiffres peuvent changer radicalement.

A l’instar de la chevêchette, la Tengmalm est bien étudiée dans le Jura suisse³ et sur une partie du Jura². Une augmentation des effectifs et une extension de son aire de répartition a pu être constatée en Europe comme en Suisse et en France dans les années 60, mais on note une baisse régulière des densités depuis plusieurs décennies, indépendamment des fluctuations importantes des populations reproductrices ²,³.

Cette diminution de la population est comme toujours, multifactorielles :

  • le changement climatique et la concurrence pour les sites de reproduction et les ressources alimentaires avec la Chouette hulotte (Strix aluco) ;

  • les modifications climatiques qui jouent également un rôle dans la disponibilité des ressources alimentaires ;

  • la disparition des vieilles futaies et plus généralement des arbres à cavités permettant la nidification ²,³.

Rendez-vous donc pendant notre séjour naturaliste dans le Jura français pour tenter d’observer la Chouette de Tengmalm et découvrir de nombreuses autres espèces typiques du massif jurassien.

Emilien
Guide Salva Fauna


Références :

1 : Cabard P. & Chauvet B. (1998). Etymologie des noms d’oiseaux. Eveil Nature. 589 p.

2 : LPO Franche-Comté (2017). Les oiseaux de Franche-Comté - Répartition, tendances et conservation. Biotopes éditions. 480 p.

3 : Maumaury L. Valloton L. & Knaus P. (2007). Les oiseaux de Suisse. 848 p.

4 : Svensson L., Mullarney K. & Ztterström D (2010). Le Guide Ornitho. 446 p.

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