Le Tichodrome échelette, un oiseau mythique

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Aujourd’hui je vous raconte l’histoire d’un oiseau incroyable, d’une beauté époustouflante. Le texte est agrémenté de photos exceptionnelles prises par notre guide Mathieu Bally.

Entrez dans la vie du Tichodrome échelette

Star incontestée chez les ornithologues et photographes, ce passereau de petite taille rappelle, par ses ailes arrondies, son comportement et ses couleurs vives, un papillon. Le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), seul représentant de sa famille les « Tichodromidae » doit son nom du grec ancien, littéralement « qui courre sur les murs ». C’est une espèce montagnarde, peu farouche, qui approche parfois de très près les observateurs. Encore faut-il arriver à le débusquer dans ces paysages de montagnes immenses, il n’est pas toujours aisé de faire des photos de cet oiseau. La première photo a été réalisée par Eugène Huttenmoser dans les années 1980. Le Tichodrome échelette sait nous surprendre en période hivernale quand il apparaît à plus basse altitude dans nos villes et villages. Cet oiseau n’a pas fini de fasciner les amoureux de nature, car on peut le dire, il fait sensiblement partie des grandes curiosités de notre monde.

Oiseau mythique et rêve d’ornithologue

Le Tichodrome échelettre est le seul représentant de sa famille, il est donc unique au monde. Son comportement et sa beauté en font un attrait puissant pour la majorité des photographes et ornithologues du monde entier.

Pour les Européens, cet oiseau est plutôt connu et familier bien que les observations de cet oiseau soient toujours marquantes pour un passionné. Comment s’en lasser ? Pour les Nord-Américains par exemple, sa quête est un objectif prioritaire lors d’un séjour sur le continent Eurasiatique. Cet oiseau fait tout simplement rêver.

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Nous avons une chance incroyable de pouvoir le côtoyer proche de chez nous, profitons-en au maximum lorsque l’occasion se présente et soyons vigilants en montagne pour ne pas le déranger !

Description et critères d’identification

Unique en son genre, le Tichodrome échelette ne peut être confondu avec une autre espèce. Il s’apparente à une Sittelle lorsqu’il est perché. Il passe souvent inaperçu lorsqu’il grimpe sur les parois rocheuses, ailes fermées.

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C’est un oiseau remarquable en vol avec ses ailes noir et gris aux motifs rouge sang, à points blancs qui créent un contraste étonnant. Son vol est papillonnant, direct avec de brefs planés, surtout avant l’atterrissage.

Le mâle en plumage nuptial arbore une gorge et poitrine noires. Le rouge sur les ailes est très étendu.

Les femelles, les immatures ainsi que les individus en plumage internuptial ont la gorge et poitrine blanc grisâtre. Le manteau est gris, la queue noire avec le bout des rectrices blanc.

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Son bec est long et fin, adapté pour aller chercher des proies dans les anfractuosités des parois rocheuses. Ses pattes sont puissantes ce qui lui permet de s’accrocher facilement à la verticale, sans trop se fatiguer.

Répartition géographique

L’espèce est présente dans la plupart des chaînes montagneuses du Paléarctique occidental généralement entre 1000-3000m d’altitude. On le retrouve ainsi dans les Cantabriques, les Pyrénées, les Alpes (principales populations) mais aussi dans les Carpates, les Balkans, le Caucase et l’Himalaya (importantes populations également). Sa répartition s’étale donc sur le continent Eurasiatique.

En France, les Alpes et les Pyrénées accueillent les populations reproductrices les plus importantes. Dans les Alpes, il est présent sur l’ensemble du massif, du nord au sud alors que dans les Pyrénées, il se concentre principalement sur les parties de montagne les plus élevées.

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En période hivernale, sa répartition est beaucoup plus vaste. L’espèce descend à des altitudes beaucoup plus basses, probablement parce que les conditions en montagne sont rudes et la disponibilité alimentaire fortement réduite. Certains individus sont erratiques et se perdent à des centaines de kilomètres de leurs sites de naissance ou de reproduction d’origine. En France, chaque année, plusieurs individus sont observés dans l’Ouest, en plaine où ils passent une partie ou totalité de l’hiver.

Où voir le Tichodrome échelette?

Pour pouvoir observer le Tichodrome échelette dans de bonnes conditions, la saison hivernale est à privilégier. C’est une période où les oiseaux sont moins discrets et s’approchent volontiers des observateurs. On le rencontre à des altitudes plus basses et dans des secteurs plus facilement accessibles. Certains sont naturels comme les falaises, d’autres sont artificiels. On peut alors le chercher près des vieux ponts en pierre, près des églises et cathédrales, châteaux, etc. Si vous préférez l’observer en plumage nuptial, il faudra arpenter les massifs montagneux d’altitude, choisir de grandes falaises et être patient.

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Biologie du Tichodrome échelette

Ecologie

Le Tichodrome échelette est complètement adapté à la grimpe. Tout au long de son cycle annuel, il occupe essentiellement les parois rocheuses verticales des grandes montagnes. Il peut nicher entre 350 et 3000m d’altitude d’après des données récoltées en Suisse. En France, c’est surtout un oiseau de moyenne et haute montagne dans les Alpes et le Jura où la majorité des sites de reproduction se situent entre 1000 et 1500m d’altitude. Les falaises de basse altitude, souvent fréquentées l’hiver, sont rarement utilisées pour la reproduction, ce qui suggère qu’il a des exigences alpines.

Le Tichodrome échelette est assez silencieux, on l’entend rarement, les chants nuptiaux ont lieu en début de saison de reproduction. Il arrive parfois que l’espèce chante en hivernage, même sur des habitats de substitution.

Comportement

Cet oiseau recherche sa nourriture lors d’une quête, généralement de bas en haut. Lorsqu’il atteint le sommet, il descend parfois en piquet, se laissant littéralement tomber dans le vide pour ainsi recommencer une nouvelle ascension. Le Tichodrome échelette est souvent vu seul, il est d’ailleurs noté qu’en dehors de la période de reproduction, cet oiseau est généralement solitaire mais reste territorial. Toutefois un cas de grégarisme a déjà été rapporté dans les Alpes.

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En période de nidification, chaque couple défend son territoire de manière ardue. Plusieurs couples peuvent fréquenter la même falaise, les querelles sont parfois nombreuses. Juste après l’envol des jeunes, certains oiseaux peuvent effectuer des déplacements à une altitude supérieure avant de redescendre à l’automne vers des altitudes plus basses.

Les premiers individus hivernants, arrivent sur leurs sites vers le mois d’octobre. C’est alors à cette période qu’il est possible d’observer l’espèce sur des églises, châteaux, ponts et autres structures humaines artificielles. La présence de vieux murs, peu entretenus semble lui convenir davantage, la ressource doit être suffisante pour passer l’hiver.

Dès le mois d’avril, les individus hivernants, parfois observés tout l’hiver sur le même site, repartent vers des altitudes plus élevées et regagnent la montagne.

Reproduction et dynamique des populations

Dans les Alpes, l’espèce commence à chanter dès le mois de février. Le nid est placé l’intérieur d’une crevasse où 3 à 4 œufs sont déposés. La femelle s’occupe de l’incubation qui dure environ 19 jours. Mâle et femelle s’occupent du nourrissage et élève les poussins pendant 30 à 31 jours, souvent au mois de juin-juillet.

Les densités enregistrées chez cette espèce sont assez mal connues. Toutefois, en Suisse, des densités de 3-4 couples pour 100km² ont été notées, notamment dans le nord des Alpes. Le facteur limitant serait la disponibilité des ressources alimentaires sur les parois rocheuses qui pousse les individus nicheurs à prospecter sur de vastes territoires. L’altitude et la présence de végétation sur les parois seraient des facteurs importants quant au choix d’un territoire pour un couple de Tichodromes.

Régime alimentaire

Le Tichodrome échelette se nourrit d’arthropodes, notamment des araignées et insectes qu’il déloge dans les anfractuosités des parois rocheuses. Plus rarement, il peut s’attaquer à de très jeunes reptiles.

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Statut juridique et de conservation de l’espèce 

L’espèce est protégée en France et inscrite à l’Annexe I de la Directive Oiseaux et à l’Annexe III de la Convention de Berne. Au niveau de son état de conservation, il est classé en Préoccupation mineure (LC) au niveau Mondial et en Europe d’après l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). En France, l’espèce est classée en Quasi-menacé (NT). Son statut de conservation est défavorable dans plusieurs régions comme l’Auvergne (VU), la Franche-Comté (CR), le Languedoc-Roussillon (CR) ou encore la Corse (VU).

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Tendances évolutives des populations

Même si son statut de conservation est considéré comme favorable, l’espèce reste « rare » compte tenu des faibles densités enregistrées, même dans les plus grands massifs montagneux. La population Française serait comprise entre 600 et 1200 couples (période 2009-2012) et la population Européenne est estimée à environ 10000 couples. Les Alpes accueilleraient le plus grand nombre de couples en France.

Il s’avère que les méthodes de recensement sont difficilement fiables, ce qui laisse à penser une sous-estimation des effectifs reproducteurs. Cette difficulté d’étudier les populations vient du fait que les secteurs favorables de reproduction sont parfois très difficiles d’accès, par le type de milieu naturel étudié (falaises, parois rocheuses) et par l’altitude qui conditionne aussi la détection.

Du côté des sciences participatives (base de données naturalistes), les observations restent aussi très faibles en période de reproduction. Bien que l’espèce soit difficile à étudier, les populations apparaissent stables du fait que les milieux naturels utilisés sont peu perturbés par l’homme, du fait de leurs inaccessibilité dans bien des cas. Toutefois, l’espèce serait potentiellement sujette à des fluctuations saisonnières.

Menaces potentielles

L’habitat du Tichodrome échelette semble peu menacé d’autant qu’il est largement disponible en montagne. Les menaces potentielles concernent principalement les sports de montagne, notamment la pratique de l’escalade qui peut occasionner un dérangement des individus reproducteurs sur une falaise, même si, il faut le souligner, l’espèce semble peu farouche et peu inquiète vis-à-vis de sa rencontre avec l’homme. Ces causes de dérangement restent très ponctuelles. Il semblerait que les conditions hivernales puissent avoir un impact sur les populations, en cas de grande vague de froid, l’espèce qui est principalement insectivore peut se retrouver en difficulté. L’état des populations dépend donc principalement de la capacité de l’espèce à survivre pendant la période hivernale.

Recherches et études sur l’espèce

Le Tichodrome échelette est une espèce qui demeure assez peu connue malgré sa popularité. Il est assez difficile de trouver des études scientifiques axées sur cette espèce, probablement dû au fait qu'il est très discret en période de nidification et que ses grands territoires sont difficiles d'accès. Ce n'est pas donné à tout le monde de faire un suivi d'espèce accroché à une falaise! Il serait intéressant de pouvoir développer des études sur le choix des falaises de reproduction ou bien sur le régime alimentaire entre la période printanière et hivernale.

Partez à la rencontre du Tichodrome

Comme dit précédemment, le Tichodrome échelette est peu farouche, votre présence ne le dérangera guère. Ceci dit, l’approche animalière doit rester éthique dans le sens où il faut adapter notre comportement en fonction des réactions du sujet et pour les espèces sensibles, éviter au maximum d’être intrusif dans leur habitat naturel.

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Si vous pratiquez les sports de montagne comme l’escalade, veillez à choisir des falaises bien connues et fréquentées régulièrement par des clubs. Si toutefois vous êtes amenés à le croiser lors d’une descente en rappel, notamment en période de nidification, ne vous attardez pas sur le secteur, le nid n’est peut-être pas si loin.

Vous pouvez donc partir à l’aventure dans la nature et tenter de rencontrer cet oiseau extraordinaire. Et si vous souhaitez que l’on vous mène vers lui, nos excursions et séjours naturalistes dans le Valais en Suisse sont une excellente opportunité pour le trouver.

Et avant de vous laisser, je vous recommande un film extraordinaire dédié à notre cher Tichodrome échelette. Intitulé tout simplement “L’oiseau papillon”, ce film de Frank Neveu a demandé plus de 3 ans de travail, et le résultat est tout simplement exceptionnel. Vous pouvez le commander sur le site de La Salamandre qui a produit le film.

Thibaut
Guide Salva Fauna


Références :

Le Guide Ornitho, L. Svensson, K. Mullarney, D. Zetterström, Delachaux et Niestlé, p 350-351.

Cahiers d’Habitat « Oiseaux » - MEEDDAT-MNHN-Fiche projet, Tichodrome échelette, Tichodroma muraria (Linné, 1766). Document PDF.

Les Oiseaux de Franche-Comté, Répartition, tendances et conservation. LPO Franche-Comté - Biotope Editions 2018, p261-262.

Handbook of western paleactic birds – Volume II, Passerines : Flycatchers to Buntings, Hadoram Shirihai, Helm Guides, p. 131-133.

Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), Wallcreeper (Tichodroma muraria). Site web : www.iucnredlist.org/species/22711234/155489183 (consulté le 11/05/2020).

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