Oiseaux du Jura - Voyage mai 2021
Notre premier séjour naturaliste dans le Haut-Jura de l’année s’est déroulé les 15 et 16 mai. Le week-end a été très riche en observations et en émotions. Le dimanche aura été l’une des journées les plus incroyables de nos séjours “Oiseaux du Jura”!
Le samedi 15, Luca et moi retrouvons nos participants plus tôt que prévu, à 9h, en raison des mauvaises conditions météorologiques annoncées. Une fois la rencontre avec le groupe et le café de bienvenue pris, nous sommes montés dans les voitures pour un court trajet. L’objectif de ce début de matinée est la recherche d’une Chouette de Tengmalm repérée plus tôt en saison. Même si l’espèce était présente une dizaine de jours plus tôt, rien ne nous garantit que nous pourrons la montrer à nos participants. On ne contrôle pas la nature et de nombreux facteurs peuvent anéantir nos chances : une prédation, une météo défavorable, etc.
Après une marche d’approche, nous atteignons le fameux arbre comptant 4 anciennes cavités de Pic noir, très appréciée par notre Tengmalm qui y trouve un diamètre d’entrée idéal pour s’y installer. Énorme soulagement au premier coup de jumelles quand un jeune oiseau est là, à l’entrée de la cavité, nous regardant patiemment.
Il est même rejoint plus tard par un second jeune! Le groupe est ravi.
Nous restons un moment sur le secteur tout en maintenant une distance suffisante pour ne pas déranger les oiseaux, bien que cette espèce impressionne par sa grande tolérance envers l’être humain. Cette attitude est assez perturbante dans notre pays où la chasse est encore trop pratiquée et beaucoup d’espèces sont extrêmement farouches.
Le séjour commence ainsi merveilleusement et ce n’est que le début de ces deux jours que nous ne sommes pas prêts d’oublier ! Nous rentrons ensuite à notre gîte, très confortable et idéalement placé pour notre itinéraire. Le groupe est super et nous passons une excellente soirée. Cette première journée fut pleine de rebondissements mais la seconde sera encore plus incroyable.
Nous démarrons très tôt avec un petit déjeuner à 4h45. Le but est d’être sur le terrain aux premières lueurs, pour tenter d’observer le mâle de Tengmalm nourrissant les petits. Le mâle est généralement bien dissimulé en journée et il est très difficile à découvrir.
Une fois arrivés sur place, nous retrouvons nos deux jeunes Chouettes de Tengmalm scrutant depuis leur loge bien au chaud par ces températures glaciales du mois de mai (seulement quelques degrés au-dessus de 0 à cette heure-ci). A peine arrivés, Luca et moi entendons quelques notes non loin qui nous “sautent” directement à l’oreille ! Un regard rapidement échangé et nous nous exclamons “Chevêchette!”.
Assez incroyable car après avoir passé du temps dans ce massif forestier depuis le début de l’année, je ne l’avais encore pas contacté sur ce site. Cette année, les fortes densités de Tengmalm sur cette localité expliquent en grande partie la discrétion des chevêchettes, couplé à de fortes populations de micromammifères en forêt qui limitent la concurrence entre prédateurs.
Suite à plusieurs notes poussées par le mâle Chevêchette d’Europe, nous tentons de localiser l’oiseau et proposons au groupe de rester un moment photographier les Tengmalm juvéniles. La seconde surprise fut la proximité du chanteur de chevêchette, environ 40-50 mètres du nid de la Chouette de Tengmalm. La troisième surprise, et non des moindres, fut la découverte de la femelle sur le secteur et de petits cris provenant d’une chandelle d’épicéa comportant une cavité de Pic épeiche potentiellement porteuse du nid ! Nous découvrons des pelotes de réjection au pied de la cavité. Notre journée commence très fort.
Nous passons un moment inoubliable en compagnie des deux petites chouettes de montagne dont les nids étaient espacés d’environ 25 mètres. Découverte incroyable et première fois pour ma part que j’ai les nids des deux espèces si proches.
L’après-midi fut consacrée à la recherche d’espèces mythiques dans le massif du Risoux. Notre balade s’est déroulée le long des routes et sentiers autorisés. Ce massif étant classé en Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope, il est interdit de pénétrer dans la forêt du 15 décembre au 30 juin, et ce notamment pour limiter au maximum le dérangement du Grand Tétras en hiver mais aussi en période de reproduction. L’espèce étant très sensible et les populations en déclin. Cette protection bénéficie également à d’autres espèces vulnérables de cette forêt telle que la Gélinotte des bois.
Après quelques minutes de marche nous tombons justement sur deux Gélinotte des bois, dont une qui se pose à proximité sur une branche. Notre moment de joie fut rapidement écourté puisqu’elle est immédiatement descendue puis à filé en marchant, cette espèce à tendance à s’échapper à “pattes”, à couvert dans la végétation. Elle est très farouche et il est particulièrement difficile de l’observer dans de bonnes conditions.
D’autres espèces sont notées le long de notre transect, notamment le Merle à plastron. Ce magnifique oiseau est maintenant localisé dans le Haut-Jura, le massif du Risoux étant actuellement l’un des meilleurs sites de la région pour l'observer. D’autres comme le Bec-croisé des sapins (plusieurs groupes familiaux) mais aussi des plus communes comme les Grives draines en fortes densités, le Bouvreuil pivoine et les Mésanges noire et huppée, etc.
Mais le clou du spectacle reste à venir ! Nous continuons à marcher un moment, la pluie s’étant intensifiée dans l’après-midi, puis décidons de faire demi-tour, trempés et avec le moral un peu diminué avec cette météo qui nous aura suivi tout le week-end. Mais bien nous en a pris ! Alors que nous marchions le long de la route pour rentrer, une silhouette noire et particulièrement lourde apparait au loin en bord de route. Un mâle de Grand Tétras! Nous voyons qu’il est en train de parader. Il s’agit en fait d’un oiseau présent depuis cet hiver sur le secteur, on l’appelle tétras “fou” même si rien ne le prouve. Ces oiseaux ne sont pas malades, ils ont simplement un comportement inhabituel. Il s’agit simplement d’un oiseau confiant, généralement un jeune, défendant son territoire de manière parfois agressive et qu’il est nécessaire de ne pas trop déranger trop longuement afin d’éviter de le fatiguer le rendre plus vulnérable à la prédation ou aux collisions. Nous sommes ainsi restés quelques minutes sur place, le temps de l’observer et prendre quelques clichés puis nous avons contourné l’individu qui n’a pas hésité à nous “charger” !
Ainsi s’est achevé ce premier séjour “Oiseaux du Jura”. Les conditions météorologiques étaient particulièrement mauvaises cette année avec un froid persistant et une pluie parfois très soutenue. Mais nous avons quand même été particulièrement récompensé par des espèces comptant parmi les plus difficiles à voir en France et un groupe de participants toujours positif, avec qui nous avons partagé de très bons moments !
Tout le monde se rappellera de ce séjour exceptionnel en compagnie des oiseaux du Jura :)
Emilien
Guide Salva Fauna