L’impact positif du tourisme sur le Gorille des montagnes en Ouganda

Ces dernières décennies, les voyages à travers le monde entier n’ont jamais été aussi faciles. Pour certains pays, le tourisme est devenu une ressource économique majeure. Néanmoins, le tourisme de masse a eu et continue d’avoir un impact négatif incontestable sur l’environnement, les espèces d’animaux sauvages et les populations locales. C’est le cas dans certains parcs nationaux africains, qui victimes de leur succès, voient se presser des milliers de touristes et où, quotidiennement, les animaux se retrouvent encerclés par des dizaines de véhicules. Face à ce constat, il est plus que jamais nécessaire de promouvoir un tourisme durable, plus respectueux de la faune et des habitants, et ayant un véritable impact positif pour la région concernée. Ce type de tourisme, responsable et éthique, a déjà montré sa pérennité et son efficacité.

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Photo Emilien Vadam

Un tourisme durable en Ouganda 

Après des décennies d’instabilité politique post-coloniale, l’Ouganda a parié sur l’écotourisme pour développer des ressources économiques durables et locales et ainsi investir dans les programmes de conservation. En effet, avec la création de près de 10 parcs nationaux en 40 ans, dont 5 dans les années 1990, le pays a combiné des programmes de conservation et de développement intégré permettant d’associer les besoins de la population et la gestion des zones protégées. Ce cercle vertueux permet de réconcilier petit à petit les habitants avec la faune sauvage. Ce tourisme, basé sur la découverte de la nature et la sensibilisation à sa protection, permet de récolter des fonds pour la conservation et d’encourager les populations locales à soutenir une gestion durable des ressources du pays. Grâce aux revenus issus de l’écotourisme, les scientifiques et gestionnaires espèrent compenser les coûts engendrés par la protection de la faune et améliorer la perception des locaux à l’égard des dispositifs de conservation. Les populations locales ont ainsi pu bénéficier indirectement des retombées du tourisme durable (i.e. versement d’une partie des bénéfices de l’écotourisme pour la construction d’écolodges, d’écoles et d’hôpitaux, etc.). 

Malgré cette situation pacifique, les conflits humains sont toujours d’actualité, notamment la présence de milices armées qui mènent des attaques récurrentes contre les populations locales et le gouvernement. Ces groupes criminels, vestiges de la guerre civile, sont souvent dispersés en périphérie des parcs nationaux et ont pour objectif d’exploiter illégalement les richesses du sol ou de braconner des espèces sauvages, protégées pour la plupart. Ces violences ont parfois pour cibles les touristes et les rangers directement au cœur des parcs nationaux qui abritent des espèces sensibles comme les grands singes. Le Directeur du Parc National du Virunga, Emmanuel de Mérode a notamment négocié il y a quelques années un accord avec un groupe rebelle pour épargner le secteur du parc occupé par le gorille des montagnes, des conflits armés et permettre un déploiement total des rangers dans cette zone sensible. Il apparaît clair que sans le développement du tourisme, des mesures de conservation et de protection, la tension géopolitique locale aurait eu raison de dizaines d’espèces sauvages et de ces écosystèmes typiques d’Afrique de l’Est. 

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 Le Gorille des montagnes, sauvé de l’extinction 

Parmi les animaux emblématiques de l’Ouganda, le Gorille des montagnes Gorilla beringei beringei tient une place très importante. Il s’agit d’une sous-espèce des Gorilles de l’Est, divisée en seulement deux populations.

  • l’une réside dans le Massif volcanique des Virunga, réparti sur l’Ouganda, le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC)

  • l’autre dans la Forêt Impénétrable de Bwindi en Ouganda et la réserve Sarambwe en RDC.

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Ce grand primate vit en famille d’une vingtaine d’individus et présente un dimorphisme sexuel très prononcé. Les mâles peuvent atteindre 300 kg, pour 2 mètres de haut. Le dominant est reconnaissable par son large dos argenté. Sédentaire, le Gorille des montagnes se déplace uniquement pour trouver sa nourriture, composé principalement de feuilles, tiges, racines et fruits divers. L’espèce joue d’ailleurs un rôle déterminant dans la dispersion des graines et participe activement à la régénération de la forêt.

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Endémique des forêts africaines tropicales humides d’altitude, ce primate de la famille des Hominidae, à l’époque classée « en danger critique d’extinction » par l’UICN, subit diverses menaces de l’Homme, principalement le braconnage, la déforestation et la transmission de maladies. En 1998, il ne restait plus que 620 individus, dont la plupart se trouvaient dans la Forêt Impénétrable de Bwindi. Cette oasis forestière de 321 km2 abrite une biodiversité exceptionnelle, dont de nombreuses espèces animales et végétales endémiques. Ces effectifs très bas sont dramatiques, car ils impliquent une diversité génétique faible, rendant les gorilles très sensibles aux maladies et aux changements environnementaux.

Heureusement, les mesures de protection et conservation prises par le gouvernement dans les années 1990 ont permis de voir le nombre presque doubler en 20 ans. Aujourd’hui, les Gorilles des Montagnes comptent environ 1063 individus dont 43 % résident dans la Forêt Impénétrable de Bwindi. Le suivi permanent des populations, la surveillance vétérinaire et la veille des patrouilles de rangers contre le braconnage, ont permis aux effectifs de Gorilles des montagnes d’augmenter significativement. L’espèce est toujours grandement menacée, mais son statut UICN a évolué vers le critère « en danger d’extinction » depuis 2018. Ces mesures de conservation drastiques, supportées par les scientifiques, le gouvernement et les populations locales ont donc porté leur fruit, d’autant que l’espèce doit absolument être protégée in situ, car celle-ci ne peut survivre en captivité.

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Une éthique indispensable au bien être de ce grand primate 

L’approche des gorilles par des visiteurs du parc est très réglementée : 8 personnes peuvent approcher pendant une heure, quotidiennement, les quelques groupes habitués à la présence humaine. Pour minimiser les risques de transmission, les écotouristes doivent absolument respecter une distance de 7 mètres des animaux pendant toute la durée de l'observation. Grâce à cette démarche, les populations de Gorilles des montagnes sont étudiées et observées au quotidien, ce qui augmente grandement les informations et données scientifiques comportementales à leur sujet. Les gorilles accoutumés ont un taux de survie plus élevée que les groupes isolés, ils peuvent être soignés plus facilement et libérés des pièges plus rapidement par les rangers. En effet, des centaines de collets, pièges très efficaces composés d’un simple câble métallique, sont déposés quotidiennement par des chasseurs de viande de brousse pour capturer des espèces sauvages souvent protégées (singes, antilopes, cochons sauvages, etc.) directement dans les parcs nationaux. Malheureusement, les gorilles sont parfois victimes de ce genre de pièges, c’est pourquoi les groupes habitués à la présence humaine ont plus de chance d’être secourus. Les rangers ont même signalé des comportements où un individu invitait les gardes à le suivre jusqu’au piège pour le désarmer. 

Cependant, l’approche de cette espèce, avec qui nous partageons 97,7 % de notre ADN, comporte certains risques. En effet, ces populations endémiques et très localisées sont très sensibles à certaines maladies potentiellement transmissibles par l’Homme. Il est donc indispensable de maintenir la distance minimale pour protéger les gorilles. Malgré ces règles, des abus ont été relevés par les scientifiques au cours des dernières décennies, les touristes se retrouveraient parfois à moins de 5 mètres des primates.

Néanmoins, le tourisme est primordial pour sauvegarder cette espèce et son écosystème forestier à la biodiversité si riche, c’est pourquoi, il est essentiel de continuer à promouvoir l’écotourisme en Ouganda, en le faisant de manière respectueuse, via des organismes arborant une éthique irréprochable afin de ne pas nuire aux espèces observées. Rendre visite aux Gorilles des Montagnes, c’est participer directement à leur protection. Lors de notre voyage en Ouganda, vous pourrez à nos côtés approcher en toute sérénité cette espèce si charismatique. 

Manon


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